Gordini V8

 

Etudié à partir de l'été 1966, dessiné au cours de l'automne et de l'hiver suivants, mis en fabrication au printemps 1967, le nouveau moteur V8 Gordini de 3 litres a tourné pour la première fois vers la mi-juillet. Cette réalisation couronne la carrière chez Renault d'Amédée Gordini qui avait débuté sa collaboration avec la Régie en 1957 par la préparation d'une version vitaminée du moteur 845 cm3 de la Dauphine . Ensuite, celui qui avait été baptisé jadis le " sorcier de la mécanique " élabora des quatre cylindres de 1000 à 1300 cm3, puis un 1500cm3, mais ces moteurs montés dans les Alpine conservaient une taille relativement modeste et ne pouvaient prétendre en course qu'à des victoires dans les catégories moyennes, non au niveau le plus élevé. Maintenant, grâce à ce V8 de 3 litres (cylindrée qui va d'ailleurs correspondre au maximum accepté pour les prototypes de la saison sportive 1968), Renault, Gordini et Alpine espèrent pouvoir se mesurer à armes égales avec les plus redoutables constructeurs de voitures de compétition.

Extrêmement compact, le nouveau V8 Gordini tient dans un cube de 60 cm de côté. Afin de diminuer l'encombrement général, aucun accessoire n'a été prévu sur la face avant du moteur, ce qui offre en outre l'avantage de supprimer toute intervention difficile juste derrière le siège du pilote. Pour l'allumage et l'alimentation, A. Gordini est resté fidèle à des principes classiques, avec un simple distributeur situé à l'arrière et une batterie de quatre carburateurs ; le sorcier semble encore réticent à l'égard des nouvelles techniques d'allumage et des progrès les plus récents dans le domaine de l'injection... Il paraît sans doute un peu osé de considérer ce 3 litres comme la résultante d'une association de deux quatre cylindres Gordini déjà connus ; pourtant, l'étude générale du V8 a repris beaucoup de solutions expérimentées dans le moteur des Alpine 1 500, en particulier pour le dessin des culasses. Ce nouveau huit cylindres n'a rien de révolutionnaire avec ses deux soupapes par cylindre, son allumage traditionnel, son alimentation par carburateurs etc, mais il est appelé à de prochains développements - du moins faut-il lui souhaiter - car ses 310 ch actuels ne suffiront pas pour se battre en Formule 1 avec quelques chances de succès face aux monoplaces dotées en 1967 des moteurs Ford-Cosworth ou Weslake développant de 400 à 415 ch ! Gageons qu'un projet existe d'ores et déjà chez Renault, Gordini ou Alpine pour une version extrapolée utilisant le titane, bénéficiant (enfin) de l'injection et tournant à de hauts régimes pour approcher ou franchir le cap des 400 chevaux.

          

Jean Rédélé, le patron d'Alpine, et Amédée Gordini posent ici devant le nouveau 3 litres V8 qui tourne au banc depuis le 18 juillet 1967. L'un comme l'autre tentent de sourire pour le photographe mais ils ne parviennent pas à masquer leur profonde amertume. Trois mois plus tôt en effet, au début du printemps, le Premier Ministre Georges Pompidou venait de faire connaître son arbitrage en faveur de Matra pour l'attribution d'un prêt exceptionnel de six millions de francs destiné à la préparation d'une monoplace française de F1. En prenant une telle décision, le chef du Gouvernement se montrait carrément injuste et semblait ignorer ou négliger tout le potentiel technique constitué par la coopération de Renault, Amédée Gordini et Jean Rédélé. Il oubliait aussi qu'Alpine, avec l'appui plus ou moins direct de la Régie, avait fait triompher à plusieurs reprises les couleurs françaises au Mans et disposait d'une équipe d'ingénieurs et de mécaniciens ayant acquis une précieuse expérience de la compétition depuis une quinzaine d'années. Quoi qu'il en soit, en dépit de cette déconvenue, le président de la Régie Renault et Jean Rédélé continuent de financer la mise au point de leur moteur 3 litres qui animera bientôt l'un des prototypes du Mans. En revanche, l'avenir de la monoplace F1 ébauchée à Dieppe semble bien compromis.

          

L'Alpine 3 Litres apparait finalement pour la première fois le 15 octobre 1967 à l'occasion des 1000 kilomètres de Paris disputés à Monthléry. Portant le n°15 et pilotée par Mauro Bianchi et Henri Grandsire, la voiture paraît manquer encore de maturité, et elle rencontre des problèmes, non avec le nouveau V8 à peine rodé, mais avec la boîte de vitesses.


Retour à la Page d'Accueil >>>