VENTURI : L'ENFANT TERRIBLE DES GT !
Face à une marque Alpine délaissée par son propriétaire, MVS, puis Venturi, avait tous les atouts en main pour reprendre le flambeau de la GT française. Retour sur l'histoire de la vie tumultueuse des GT made in France
Avez-vous déjà vu une Venturi sur la route ? Moi non, car rares sont les clients potentiels, aussi chauvins soient-ils, prêts à dépenser 100 000€ les yeux fermés en chantant la Marseillaise ! Cest là que résidait le souci de Venturi. Les amateurs de GT ont beau reconnaître les qualités de ses modèles, cela ne les empêche pas de courir chez Porsche ou Ferrari lorsquils décident de changer de monture.
Au début des années quatre-vingt, dans un univers de production de masse, la voiture est standard, utile et permet de partir en vacances. Certes, il y eut en France la bande de Jean Redélé qui à la fin des années soixante avait eu laffront de concevoir différent.
Son A110 hante parfois les rêves des passionnés daujourdhui. Ou bien les stars comme les Ferrari à carburateurs ou encore celles qui résistent comme la 911. Mais à bien y réfléchir, lavenir est sans saveurs.
La Ventury (avec un "y" au début), c'est l'histoire de passionnés qui décident en 1984 de construire leur voiture de sport. Au Salon de Paris 1984 est ainsi présentée la première maquette de la Ventury, destinée à être ensuite appelée MVS Venturi puis Venturi tout court.
"Rien que d'y penser cela fait rêver" était à une époque le slogan publicitaire de Disneyland Paris. Le rapport avec la Ventury ? Ce slogan a dû traverser l'esprit de financiers visionnaires et passionnés d'automobiles d'exceptions en découvrant la Ventury au Salon de Paris.
Cet élégant petit coupé faisait de l'il au public. Il représentait un nombre incalculable de nuits blanches pour ses deux créateurs et concepteurs, Gérard Godefroy et Claude Poiraud. Le premier nommé était l'homme du style et le second le technicien. Tous les deux travaillaient chez Heuliez et avaient décidé de rouler dans leur propre création. Au départ, la Ventury ne devait donc pas être produite. Juste deux exemplaires pour les deux amis.
Mais la voiture était si séduisante que des financiers, passionnés d'automobile d'exception, en ont décidé autrement en imaginant les événements de manière plus ambitieuse et n'eurent pas trop de difficultés à convaincre les deux concepteurs. Le plus sérieux et le plus passionné de ces financiers s'appelait Hervé Boulan. Il réunit les fonds nécessaires et devint alors à la fin 84 le premier PDG de la Manufacture de Voiture de Sport, MVS, un sigle qui ornera les voitures jusqu'en 1990.
La société MVS comprend alors 4 personnes : H. Boulan (PDG), C. Poiraud (ingénieur), H. Lejeune, directeur commercial, et Gérard Godefroy (styliste) qui ont investi leurs propres fonds avec l'aide de banques. En 1985, arrivée de J.-J. Turquand dans la société en tant que responsable de la production, il est chargé d'étudier et de produire la voiture ainsi que d'engager le personnel nécessaire.
C'est ainsi que le projet Ventury, sous l'impulsion d'Hervé Boulan, est devenu MVS Venturi, avec un "I" comme Ferrari. Il est persuadé qu'il faut donner de l'envergure à la voiture, mieux la motoriser et lui donner un intérieur luxueux.
Les débuts de la société se font au Mans, chez J. Rondeau qui met à disposition ses locaux ainsi que ses ingénieurs.
Ainsi replaçons-nous au départ de cette aventure : l'origine de la mécanique importait peu à l'époque pour les deux amis. Ils pensaient même à un moteur quatre cylindres de Golf GTI ou même au nouveau petit Peugeot 1600 d'une trempe similaire. Le premier équipait d'ailleurs le modèle présenté au Salon de Paris. Le premier prototype roulant voit le jour en décembre '85 avec le 4 cylindres Turbo de 130 ch de la Golf GTI, l'idée étant de réaliser une "super GTI".
Mais avec l'arrivée des financiers, le projet devint plus ambitieux : 130 ch ne suffisaient pas, il en fallait 200. Ces deux mécaniques, quoique performantes dans leur catégorie, durent être écartées, leurs concepteurs ne souhaitant pas réaliser un "remake" de la Matra Murena: belle, originale mais sous motorisée. Il fallait absolument trouver une puissance abondante afin de ne pas limiter le potentiel de performance de la voiture.
Mais, en 1985, la seule mécanique française véritablement puissante était le quatre cylindres turbocompressé de la Peugeot 505 Turbo : un moteur de 200 chevaux avec le kit Peugeot mais lourd, gourmand et dépourvu de noblesse.
La Ventury essaie divers moteurs, celui de la Peugeot 505 Turbo en tête (prototype présenté à la presse en 1986).
Ce premier prototype roulant, de conception très classique, construit autour du quatre cylindres turbocompressé Peugeot, laissait entrevoir un potentiel intéressant. Mais la mécanique ne fonctionnait pas très bien, et les trains roulants, qui reprenaient un maximum d'éléments de série (un système pseudo MacPherson avait été retenu), ne furent pas non plus très performants.
Ces deux problèmes furent résolus de la manière suivante : avec l'arrivée de l'Alpine GTA V6 Turbo (dont elle devient la principale concurrente) et son moteur V6 PRV de 180 chevaux (gonflé à 200 ch par EIA), Venturi réussi à obtenir de la Française de Mécanique la livraison des ensembles moteurs/boîte de la nouvelle Alpine, accompagnée d'une garantie Renault. Le couple plus abondant et la noblesse d'un six cylindres convenaient mieux au standing recherché et à l'attente de la clientèle concernée.
Quant au principe MacPherson, il fut abandonné au profit de triangles à bras multiples beaucoup plus sophistiqués, mais plus spécifiques et surtout beaucoup plus efficaces. En effet, le principe initial avoua ses limites : frottements de la jambe de force trop importants (perturbant l'adhérence), géométrie imparfaite lors du débattement de la roue, etc.Ceci conduit à la présentation de la MVS Venturi V6 au salon de Paris 86. Une usine clé en main de 1500 m2 est alors construite à Cholet. La société comprend alors une dizaine de personnes, dont 7-8, engagés au départ par J.-J. Turquand et qui sont devenus des chefs d'équipes.
La MVS Venturi est née.
En décembre 1986, les premières critiques de la presse, par José ROSINSKY de Sport Auto, sont excellentes. Le comparatif avec l'Alpine V6 Turbo est flatteur.
Le premier client est livré en mai 1987 : c'est Raymond Goulomès, alors président de l'ACO (Automobile Club de l'Ouest). En 6 mois, 50 voitures sont construites.
Ces voitures, fabriquées entièrement à la main dans une usine basée à Cholet employant 37 personnes, sortent de l'usine au rythme d'environ 15 par mois. Les dirigeants ont des projets en tête, notamment un spider ainsi qu'une version plus musclée, et ils espèrent pour l'année 1988 une production de 200 voitures dont 50 seront réservées pour l'étranger (en Allemagne et au Benelux).
En 1988, cest le développement du cabriolet Transcup et la diffusion de Venturi au Japon, en Grande-Bretagne, en Belgique, et aux Etats-Unis. La production atteint 110 voitures. Un réseau de concessionnaires se crée permettant la diffusion sur tout le territoire.
En septembre 1989, Xavier De La Chapelle devient PDG de MVS à la demande du groupe Primwest, déjà actionnaire dans les automobiles De La Chapelle (les fameuses répliques de Bugatti) et qui vient d'acquérir la majorité chez MVS. Xavier De la Chapelle voit grand et va essayer de développer la marque dans toutes les directions.
En 1990, VENTURI s'installe à Couëron, près de Nantes. Les locaux existaient, mais des travaux ont été faits par la ville (pour un coup de 22 millions de Francs environ). Une nouvelle unité de production ayant une capacité de production de 500 voitures par an devient donc opérationnelle. La capacité est 3 fois celle de Cholet. Cette usine regroupera la fabrication des Venturi et des monospaces De La Chapelle Parcours.
Cependant la crise arrive, empêchant d'atteindre les objectifs fixés.
Le Mondial de Paris de 1990 sera l'endroit choisi par le Gerfaut pour prendre son envol. Au Cheval cabré de Ferrari et de Porsche, Venturi répond en effet avec un logo représentant cet oiseau, il est placé dans un écusson bleu rappelant la nationalité de la marque, centré dans un ovale rouge (Ferrari ?). Le nom MVS est abandonné au profit de Venturi tout simplement.
Cette année-là, le cap des 250 voitures produites depuis la première voiture sortie en 1987 sera franchi.
En 1991-92, la production est assez faible et la gestion de l'argent ne permet pas de dégager des bénéfices (dépenses inutiles comme en F1 : l'achat de l'écurie Larrousse qui engendre un coût de 28 millions de F et ne permet pas de vendre plus de voitures).
Alors la famille Primat Schlumberger, qui soutient la firme contre vents et marées depuis 1989, s'inquiète et tranche dans le vif : changement de PDG et arrêt de la Formule 1 sont les premières mesures prises. Un plan de restructuration est engagé conduisant à des licenciements à la fin de l'année 1992 : sur 90 employés, 30 sont licenciés. Il faut stabiliser l'entreprise en épuisant les stocks et trouver un partenaire qui investisse. La direction est assurée par intérim en 92-93.
En 1993, un circuit (Fay de Bretagne) est construit à proximité (18km) de l'usine. Il permet de réaliser des essais techniques poussés.
Puis Venturi fut rachetée en 1996 par un homme d'affaire thaïlandais, Monsieur Seree Ravkit, Président du Groupe Nakarin Benz à Bangkok. Au début de 1998, le capital de la société passe de 3 millions à 10 millions de Francs, le PDG est Michael Bishop. Malheureusement, la nouvelle crise économique aura à nouveau raison de la marque, malgré toutes les bonnes intentions employées pour survivre.
En janvier 2000, Venturi est mis en liquidation judiciaire sur décision du Tribunal de Commerce de St-Nazaire. Maître BrunnetBeaumel est désigné pour trouver un repreneur. La date limite de dépôt des offres est fixée au 14 avril 2000, puis elle est repoussée à Mai 2000. En Mai donc, 12 offres ont été déposées. Quatre peuvent être jugées sérieuses.
En juin, la meilleure offre financière, proposée par Monsieur PallancaPastor, emporte la décision du Tribunal. Comme cela ne plaît pas à tout le monde, un appel est déposé.
Le 12 juillet 2000, le Tribunal confirme sa décision. (Fin de la procédure judiciaire). Le déménagement de l'usine est organisé et le stock de pièces détachées représentant une bonne douzaine de semi-remorques est acheminé à Monaco.
A lété 2000, monsieur Gildo Pallanca-Pastor intègre dans la structure de la nouvelle société Monsieur Godart (Ancien responsable du service après vente) et le responsable de l'atelier de sellerie.
En automne, le magasin de pièces détachées s'organise à Monaco. Des solutions de services après vente sont proposées aux propriétaires. Le retour à la normale étant prévu pour le premier trimestre 2001. Monsieur Barbaroux est nommé directeur général de la société.
Gildo Pallanca Pastor est désormais connu en France comme l'un des spécialistes du financement des start-up. Ce jeune héritier de la famille monégasque Pastor (33 ans), ne fait pas que théoriser. Pilote de course amateur, il avait déjà investi dans la construction automobile (notamment par le rachat de Bugatti pour la livraison des ultimes EB110).
Au départ, il ne comptait pas renouveler le défi de lancer une nouvelle marque de Ferrari ou Porsche française. Il souhaitait plutôt chercher à prendre le créneau de la voiture de sport haut de gamme construite à la demande.
Il a vendu une partie de l'outillage de l'usine et rapatrie le reste sur la Côte d'Azur. Les pièces détachées sont stockées près de Nice ce qui lui permettent d'assurer aujourd'hui encore un service après-vente efficace.
Le siège de la société Venturi et les bureaux commerciaux sont basés à Monaco.
Quant à sa politique, on a pu lire dans L'Automobile Magazine de Septembre 2000 ces mots de Gildo Pastor : "Plus question de Porsche Françaises. De toute façon, jamais Venturi n'a eu le dixième de cette ambition. Mon objectif se limite à produire une quinzaine d'exemplaires par an. Chaque modèle sera le fruit du travail d'artisans au savoir-faire rare, en marge des productions de masse. L'usine de Loire-Atlantique n'avait pas le côté artisanal que je recherche. Nous avons donc déménagé le bureau d'études et la base commerciale à Monaco. Mais Venturi doit rester français, aussi nous cherchons des locaux au Castellet ou à Sophia-Antipolis. L'équipe se limitera à douze personnes, dont deux mécaniciens de Coueron. D'abord, nous allons terminer la douzaine d'Atlantique 300 commandées avant la faillite, en décembre 1999. Mais d'ici à quinze mois, nous présenterons un premier prototype. Pour sa réalisation, je vais investir 10 millions de Francs. Et, je compte commercialiser notre future Venturi un an après."
Cette nouvelle Venturi, la Fétish fut présentée à Paris en 2002. Mais jamais un partenariat moteur n'a pu être trouvé. La version définitive de la Fétish doit être présentée au prochain Mondial de Paris 2004, pour les 20 ans de la marque, après avoir été revue et corrigée par Gérard Ducarouge, ancien directeur technique de Matra (F1, Le Mans), Ligier, Alfa Roméo, Lotus Larrousse (F1), et directeur du développement chez Matra de 1994 à 2002.
Depuis la disparition d'Alpine orchestrée avec maestria par Renault, Venturi reste à l'heure actuelle le seul constructeur français de voitures de sport et de prestige. La conjoncture de ces dernières années ne lui facilite pas la tâche, mais restant la seule à nous faire encore rêver, on peut encore espérer que Venturi ne sombre pas et continue de vivre longtemps sur la route et les circuits. Après tout, quinze années se sont écoulées depuis la création de la marque et il serait dommage, avec un passé pareil, de disparaître alors que la notoriété de la marque s'établit à chaque fois un peu plus.
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