Les constructeurs sans patente
Un univers de fanatiques

 

Constructeur sans patente, petits constructeurs, artisans automobiles, quelque soit le terme utilisé, ils sont tous aussi passionnés, aussi fanas. Bricoleurs de génie, originaux, "dingues de la bagnole", leur entourage les comprenenait souvent mal. Que ce soit pour rouler tous les jours dans une voiture à la personnalité plus forte que les banales automobiles d'alors, ou pour "courir pour pas cher" ce qui, toute démagogie écartée, relevait de plus en plus de l'utopie à l'époque, leur rêve, leur but était de réaliser un proto. Curieux cocktails, curieux assemblages de mécaniques hétéroclites : parfois pour des raisons précises, parfois parce que l'on n'a pas autre chose sous la main, certaines réalisations étaient dignes de la catégorie supérieure, celle des constructeurs "patentés", d'autres étaient ... disons que nous hésiterions un instant avant d'en prendre le volant ! Souvent, fortune était faite pour les casseurs. Dans tous les cas, les sacrifices étaient les mêmes, les nuits et les week-end de travail étaient aussi nombreux. Le simple fait de venir sur une grille de départ au volant de sa propre voiture mérite un bon coup de chapeau. Ensuite, la compétitivité, liée directement dans la plupart des cas au budget, il fallait laisser ça aux "grands". Cela ne veut pas dire que les petits ne prennaient pas leur travail au sérieux, qu'ils faisaient ça uniquement pour se faire plaisir car lorsqu'on les connait, ces fanas, on sait bien qu'au fond de chaque prunelle brille une lueur d'espoir de réussite.

Dans l'éventail que nous vous présentons, vous trouverez tous les niveaux de finition, toutes les conceptions, les différentes astuces, et les différents budgets. Certains se sont découragés avant de toucher au but, d'autres ont tenu bon jusqu'au bout pour présenter un engin impeccable. Certains travaux sont naïfs, tous sont émouvants. D'eux sont nées les passions, les amitiés, les déceptions aussi. Alors, on peut faire la fine bouche sur ces constructions, on peut aussi y trouver certaines idées. Le proto, c'est une seconde nature. A aucun de ces constructeurs vous n'auriez pu échanger une superbe BMW du Championnat de Production Groupe 1, contre leur proto. Qu'une Groupe 1 leur aurait semblé terne à côté, et qu'importe si sa puissance est deux fois plus élevée, et son châssis deux fois plus rigide.

Le proto, c'est une voiture spéciale, une automobile que l'on construit avec ses idées. Il sort du commun. La palme dans ce domaine revient sans aucun doute aux innombrables 4CV proto dont les quelques-unes mieux réussies ne laisseraient pas indifférent le plus snob des constructeurs consacrés. Car le proto, c'est aussi la revanche du petit : doubler une DS avec une 4CV ... Quel plaisir ! Et finalement, ces sorciers ne font rien de moins que leurs idoles, qu'elles se nomment Abarth ou Gordini : faire marcher une anodine berline comme une voiture de course. Dans la foule des constructeurs non-patentés, on ne parle que de rabotage de culasse, gros pistons, arbres à cames spéciaux ou châssis tubulaire. Mais au fond, lorsqu'on se penche dans ces réalisations, c'est presqu'un bol d'air frais. Bien sûr, peu d'entre elles devaient avoir "des variations de parallélisme bien réglées en débattement de suspension", mais elles n'avaient pas besoin du dernier type de gomme de pneus, d'un appui aérodynamique réglé au radian près, d'une épure de suspension ou d'un type de voie, étroite ou large, adaptés à tel type de courbe de tel circuit. On n'entendait pas dire aux pilotes "la voiture n'avance plus car le moteur prend 150 tours de moins dans la ligne droite", ou bien "elle ne tient plus la route par rapport à la première séance d'essai, depuis que j'ai modifié la chasse d'un quart de degré". En course de côte, ou en sport régional, les critères de jugement sont moins précis, les têtes moins gonflées aussi. On avait réalisé sa propre voiture spéciale, et tous les copains venaient la voir courir le Dimanche. Un point très positif : l'enthousiasme est aussi grand sinon plus que dans le monde blasé des Formules au sommet, même si techniquement, ces dernières sont très supérieures...

 


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