En France en 1970, sur le plan sportif, il y a les grands constructeurs spécialisés (Matra, Alpine), des ateliers au prestige certain après leur passage en Formule France (Martini, Grac, Tecno...), et aussi ces constructeurs amateurs, au niveau de l'initiative individuelle, dont le but est de se fabriquer avec les moyens du bord une voiture de course. Et puis il existe une autre catégorie : ce sont de petites entreprises qui se proposent de vendre au meilleur prix, aux jeunes notamment, des voitures, des kits, ou des collections de pièces qui leur permettront de connaitre les joies du Sport Automobile pour des sommes relativement modiques. Parmi ces spécialistes, Marcadier.
La carrière d' André Marcadier, ce sympathique
et pittoresque Lyonnais, débuta en 1947 par la construction de cycles
de haute qualité utilisant le duralumin pour la réalisation des
cadres. Il s'agissait là d'un procédé délicat et
fastidieux consistant à rouler puis souder des feuilles daluminium
sur toute leur longueur pour en faire des tubes ! Un travail d'orfèvre.
Toujours sur deux roues, son talent s'exerça dans le domaine de la moto
de compétition pour laquelle il construisit de remarquables cadres autour
de diverses mécaniques ; l'un deux se classa deuxième au
grand prix de Monza 1957.
A cette même époque le karting fit son apparition en Europe et
notre homme se lança sans tarder dans la construction de châssis
simples et légers, trait dominant de ses productions tout au long d'une
carrière bien remplie. L'écrasante domination de l'équipe
Lyonnaise en 1961 (Verd, Dumont, Janoray) fut couronnée
par un titre de champions d'Europe en catégorie endurance.
André Marcadier prit un tournant décisif au début
des années 60 lorsqu'il rencontra sur le circuit de Montlhéry
un homme qui commençait à faire parler de lui car il introduisait
un concept nouveau dans le monde de l'automobile de sport et de compétition
: le génial Colin Chapman et ses fameuses Lotus.
Pour rendre le sport automobile abordable en France, il fallait à l'image
de l'Anglais, produire une petite voiture biplace polyvalente et loger dans
un châssis tubulaire assez sophistiqué une mécanique de
grande série, de cylindrée modeste et peu coûteuse. La vente
en kit serait retenue pour permettre un prix de vente le plus bas possible.
André Marcadier fit la connaissance de Marcel Fournier,
carrossier à Lyon, et ils fondèrent en association la marque Fournier-Marcadier.
Les deux amis présentèrent fin 1963 ce qui allait devenir la première
voiture de sport Française en kit.
La voiture se présentait sous la forme d'une barquette
biplace avec une élégante carrosserie en polyester qui rappelait
un peu la Lotus 23. Le moteur était installé en position centrale
dans un magnifique châssis tubulaire sans aucune concession au cahier
des charges qui imposait un prix de vente le plus bas possible.
Le succès ne se fit pas attendre, et les artisans Lyonnais reçurent
3600 lettres d'amateurs intéressés. La voiture fit preuve d'une
grande aptitude en compétition; un trophée fut même organisé
par la revue Sport-Auto.
Dès 1966, nos deux associés ne firent rien de moins que présenter
la monoplace qui préfigura la formule de promotion nationale qui deviendra
plus tard la Formule France.
A l'image des barquettes, elle se caractérisait par son faible poids
( 320 kg en ordre de marche ) et par une conception très réussie
de la partie châssis. La mécanique était encore le Renault
8 Major d'une puissance suffisante pour rendre cette auto très vivante,
comme le souligna Jean-Pierre Beltoise lors d'un essai pour la revue
Sport-Auto. L'auto fut ensuite munie d'une mécanique Renault 8 Gordini
et cette voiture signa, en formule libre, quelques beaux résultats aux
mains de Roger Cohen , le pilote attitré de la marque. Il remporta
même des victoires au classement général, devant des monoplaces
de Formule 3 !
Début 1967 une heureuse évolution de la barquette vit le jour
dans les bouillants ateliers Lyonnais, ce fut la naissance du coupé Barzoï
à la personnalité incomparable. Il reprenait les bases mécaniques
de la barquette, mais ses concepteurs lui avaient greffé un toit et des
portes pour répondre à la demande d'une clientèle désirant
une auto d'un usage moins exclusif . A l'instar de la Mercedes 300 SL, des portes
"papillon" avaient étés rendues nécessaires par
la structure tubulaire du châssis et la faible hauteur de l'ensemble :
à peine 98 centimètres ! Il sagit du modèle à
succès de la marque qui fait encore rêver un grand nombre d amateurs.
Le succès commercial du coupé Barzoï ne doit pas faire oublier
ses prestations en compétition ponctuées de coups d'éclat
comme la deuxième place du talentueux François Lacarrau
au grand prix de Paris à Montlhéry en 1968; ses adversaires avaient
pour noms : Servoz-Gavin , Wicky , Jungenet et leurs montures
s'appelaient Matra 470 BRM, Ferrari, Porsche 906 !
Le compte rendu de l'époque de la revue Sport-Auto avait titré
la victoire de David sur Goliath car le coupé Barzoï
était animé par un moteur Renault 8 Gordini de 105 ch... contre
des monstres de 250 à 400 ch...
En 1970, Marcel Fournier quitta la construction automobile et André
Marcadier continua à produire une gamme qui s'étoffa la même
année par la présentation d'une barquette biplace, réservée
à la course et qui reprenait le soubassement du coupé Barzoï.
Cette automobile, à la ligne inspirée des voitures américaines
de Can-Am, d'où son nom, fut la première d'une lignée de
barquettes qui firent les beaux jours des pilotes amateurs qui disposaient d'une
vraie voiture de course au budget réduit. Ainsi , on trouvait au Championnat
de France de la montagne en 1975 deux Marcadier animés par un moteur
Renault 8 Gordini 1300 aux 4e et 5e places en compagnie de Formules 2 et de
Prototypes à moteur 2 litres !
Lors d'une période plus récente, la saison 1978 apporta au constructeur
de grandes satisfactions dans le monde toujours plus professionnel de la course
de côtes à haut niveau. Sa dernière création, une
fine et élégante barquette équipée d'un moteur Ford
Hart 2 litres développant 300 ch. domina outrageusement sa catégorie
et inquiéta même les formules 2 pourtant reines de la montagne
grâce à leur poids réduit et leur agilité.
Son pilote n'était pas inconnu puisqu'il s'agissait de l'excellent Roger
Rivoire, lancien apprenti des Ets Fournier Marcadier qui passa bien
près du titre de champion de France de la montagne en 1974. Le tandem
Marcadier-Rivoire sans gros moyens mais non sans panache totalisa 11 victoires
sur 14 participations, les trois défaites étant dues à
un moteur qui n'était plus de première jeunesse.
De son côté, le coupé Barzoï vit apparaître un
successeur : le Barzoï 2, équipé d'une mécanique de
Simca 1000 Rallye 2 afin de remplacer les groupes propulseurs Renault qui n'étaient
plus produits depuis longtemps. Ce coupé aux lignes futuristes ne parvint
jamais à faire oublier l'esthétique si attachante de son prédécesseur.
Il remporta cependant de nombreux suffrages grâce à son comportement
routier de tout premier ordre en raison de son châssis dérivé
des barquettes de course.
En conclusion, l'histoire retiendra de ces deux marques lyonnaises, à
l'image des premières Lotus, une astucieuse conception qui permettait
d'exploiter au mieux une mécanique modeste de grande série. La
légèreté de ces voitures témoigne de leur qualité
de réalisation et leurs succès en compétition de leur efficience.
Mais le plus grand mérite de nos deux hommes a été de se
montrer à l'avant-garde de solutions nouvelles pour rendre la course
automobile d'un coût raisonnable, même si les instances sportives
n'ont jamais considéré qu'il s'agissait d'une priorité
absolue en France.
Le coupé Barzoi est esthétiquement très réussi, de forme classique et bien équilibré. L'inspiration vaut de l'or : Ferrari P2 côté mufle, Lamborghini Miura pour les persiennes arrières, rien que ça ! Pas de doute, la Barzoi a de la race !
Nos plus vifs remerciements vont au Président du Club
Marcadier,
pour sa participation au texte et aux photos de cette page.
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