Monica

 

 

En 1901, les Daimler sont devenues des Mercedes. Un des principaux commanditaires de la firme, M. Jellinek, avait suggéré que l'on donnât à ces voitures le nom de sa fille, plus facile à porter, et plus agréable que celui de Gottlieb Daimler, industriel installé près de Stuttgart. Melle Jellinek a ainsi légué son prénom à une marque qui l'a rendu célèbre.

Au Salon de Paris 1972 apparu une voiture française de luxe. Elle fut appelée Monica, en l'honneur de Mme Tastevin, épouse d'un nouveau constructeur français. Il ne s'agit pas cette fois-ci de rebaptiser des véhicules déjà construits en série, mais bien de lancer une marque et un modèle.

   

Qui est Mr Tastevin ? C'est un industriel âgé à l'époque de 53 ans, ancien élève de l'Ecole Centrale, PDG de la Compagnie Française des Produits Métallurgiques(CFPM). La société dispose, à Balbigny, dans la Loire entre Roanne et St-Etiene, d'une usine de construction de matériel ferroviaire : wagons citernes et wagons trémies ; 80% de la production est exportée. Le quart du matériel de cette nature existant en Europe sort des ateliers de Mr Tastevin. Celui-ci ne se contente pas de fabriquer ; il s'occupe aussi, à l'échelle internationale, de location de wagons.

Cet industriel passionné d'automobiles a conduit, et possédé, de nombreuses voitures rapides de marques diverses. Il utilisait en 1972 une Jaguar. Déplorant que notre production nationale ne comporte pas de modèle de prestige, il décida d'en lancer un. La Monica a été conçue selon ses directivres et réalisée dans ses ateliers de la Loire. L'intéressé ne se dissimule pas les difficultés, ni les risques de cette entreprise, ou de cette aventure.

   

On a vu l'automobile s'appuyer sur l'aviation, sur le tracteur agricole, sur le camion, sur la moto. Pour la première fois, un modèle de luxe apparu dans le sillage, et avec le concours, de wagons-citernes... Grâces soient rendues au chemin de fer ! La coordination rail-route prend un aspect constructif assez inattendu...

Trois ans de travail furent nécessaire. Elaborée de 1969 à 1972 dans le plus grand secret, la Monica possède un avant plongeant caractéristique qui s'apparente plutôt à celui des voitures de sport de l'époque, comme celui de la Ferrari Daytona, qu'aux berlines de luxe (Mercedes, Jaguar), qui conservent des calandres traditionelles. Sous le pare-chocs apparait une prise d'air, comme sur la Citroën SM. Les phares sont recouverts de jours par une trappe rétractable. Le pare-brise, assez grand, présente des coins anguleux. Sur le flanc de la carrosserie, une nervure court du pare-chocs aux feux arrières. L'aile arrière présente un renflement qui s'amorce dès la porte. Le pavillon s'abaisse rapidement à partir du pillier central, ce qui limite un peu la garde au toit à l'arrière. La découpe des portes arrières offre un apparence assez particulière et tourmentée. Les passages de roues sont importants, ce qui impose la présence d'une partie vitrée fixe assez large. Des bourrelets assez prononcés se laissent voir autour des passages de roues. L'arrière lui-même rappelle celui de la Jaguar en plus tendu.

   

Après cette berline aurait du venir une deux places décapotables (qui aurait du être présentée en mars 1973 à Genève). Une boîte automatique était également prévue. Justement, venons-en à la mécanique.

Assez souvent, une voiture de prestige construite à une cadence mesurée utilise un moteur existant, en s'adressant à une autre usine. Ce fut le cas, par exemple, pour la Facel Vega, et la SM dotée d'un groupe Maserati. Or la Monica disposera de son moteur personnel, réalisé dans l'usine même de Balbigny. Pourtant, la production annuelle prévue s'élevait à 400 voitures. La raison est simple : Mr Tastevin ne voulait pas d'un moteur existant, estimant qu'aucun groupe de l'époque ne possédait les caractéristiques requises.

   

Il a donc fait étudier par l'ingénieur anglais Ted Martin un V8 de 3,5l de cylindrée, à deux arbres à cames par rangée de cylindres. La puissance en ressortait à 250ch à 5800trs/mn, le régime ayant été maintenu à un niveau très mesuré. D'autre part, le couple maximal se situe vers 4000trs, mais garde à peu près la même valeur de 2500 à 5000trs. Rapporté au poids de 1070kg, les reprises d'une Monica doivent donc être impressionnantes, et c'est cela avant tout qu'a recherché le nouveau constructeur. La vitesse maximale était estimée à 240km/h.

Ce moteur, construit dans la Loire, est donc d'inspiration britannique. La carrosserie, quant à elle, présente un caractère transalpin. Elle doit beaucoup à un ancien chef d'atelier de Vignale, ce dernier ayant servi lui-même de conseiller dans ce domaine. Certains éléments, réalisés à Turin, devaient être expédiés dans la Loire pour être assemblés sur place.

La Monica mesure 4,90m, se situant ainsi dans la bonne moyenne que ces concurrentes. Spacieuse, comportant donc 4 portes et un vaste coffre à bagages, la voiture bénéficie en outre d'une finition intérieure très soignée, avec climatiseur de série et des sièges en cuir, tableau de bord en bois provenant directement d'Angleterre.

Malheureusement, Monica fait partie de la (très) longue liste de constructeur pour qui les crises pétrôlières ont été fatales. La production totale s'élèverait à seulement 17 exemplaires ! Outre ces crises meurtirères de rêve, on peut se poser s'il a réellement existé en France un marché pour la voiture de prestige, entre 1945 et 1973.

Galerie de Photos >>>


Retour à la Page d'Accueil >>>